mardi 26 juillet 2011

Dour 2011, le Hainaut a son Woodstock

Connu pour son ambiance éclectique et peu consensuelle, Dour est un festival que l'on ne fait habituellement pas pour l'affiche. Mais cette année, la programmation valait plus que jamais le détour.


Située à quelques encablures de la frontière française, entre terrils et éoliennes, la plaine de Dour offre un dépaysement total aux festivaliers qui l'arpentent durant les quatre jours de cet événement. La richesse et la diversité du line up en font un rendez-vous international, où les genres et les langues se mêlent entre eux. Parmi les quelques 200 concerts, on trouve rock punk et metal, rap et hip-hop, reggae, electro, et même de la variété française (pas toujours bien accueillie, Diams et les BB Brunes peuvent en témoigner), A Dour, on célèbre la fête autant que la musique.

Ce festival est également l'un des plus éprouvants de l'été. Les journées sont interminables, les nuits très courtes, et le confort réduit au minimum syndical. D'autant plus que cette année, la pluie a joué les incrustes tout le week-end, transformant certaines scènes en piscines, et la plaine en une énorme flaque de boue. Ce temps infect n'a pas arrangé l'état du camping et des cabines wc qui, même sous le soleil, se bidonvillisent rapidement. A Dour, la limite entre dilettantisme et incivilité est très étroite. Quant à la nourriture proposée sur la paine de la machine à feu, elle fait passer les repas d'hôpitaux au rang de menus gastronomiques. Dour, ce n'est vraiment pas pour les nareux.

Outre cette hygiène peu recommandable, le festival s'entache d'une mauvaise réputation concernant les substances illicites. "Le supermarché de la drogue", comme certains le surnomment, ne vole pas ce prestige peu glorieux, puisqu'il est aisé de s'y procurer quelque herbe ou pilule prohibée. A condition de chercher, car il n'est pas courant que les dealers fassent du racolage. Vous pouvez donc festoyer normalement, quatre jours durant, sans crainte d'être harcelés par de vils revendeurs. Ces quelques points négatifs suffiront aux parents paranoïaques pour interdire à leurs rejetons de se rendre au festival. Ce faisant, ils les privreont dune merveilleuse expérience sociale. Dans sa grande majorit. le public de Dour est de bon esprit. Il est aisé de lier connaissance avec les festivaliers, dont certains vous abordent sans aucun préjugé, comme des amis de longue date.

D'un point de vue organisationnel, on dénombre peu de retards ou d'annulations sur les 7 scènes que compte le festival. Cependant, la qualité du son est à déplorer plus souvent que de coutume, et les interférences entre les scènes sont courantes. D'ordinaire, Dour est un festival où l'on se rend avant tout pour l'ambiance, plus que pour l'affiche. Cette édition 2011 dérogeait à la règle, puisqu'elle proposait un des plus éblouissants line up de l'été. Il est humainement et matériellement impossible de voir tout, même pour votre ours préféré, qui a du se "contenter" d'une petite dizaine de concerts par jour. Parmi ceux-ci , j'ai retiré des coups de coeur, et des déceptions.


Top:


Foals. Avec un style propre situé quelque part entre Interpol et Two Door Cinema Club, ce groupe anglais a prodigué une prestation énergique et musicalement exquise. Une référence en devenir.

Klaxons. Même topo, dans un style un peu plus trash que les précédents. Un concert qui aura réveillé les membres les plus engourdis.

Syd Matters. Ces Français sont fans de Pink Floyd, et ça s'entend. Leur rock-folk mélo, agrémenté d'une voix chargée d'émotion, a fait mouche.

IAMX. D'année en année, le projet solo de Chris Corner s'affirme comme une valeur sûre du live. A Dour, l'ex-leader des Sneaker Pimps a choisi d'altérer les sons, et d'orner sa set list des titres les plus remuants de son répertoire.

Russian Circles. La grosse claque de Dour 2011. Du post rock à la sauce metal, alternant les rythmes, et parfaitement mis en place. C'était sulfureux!

Blood Red Shoes. un duo de potes à l'apparence de jeunes lycéens, mais qui en ont dans le ventre et qui dégagent une énergie peu commune.


Flop:


Tiga. Le DJ Canadien a opté pour un set clubhouse, aux sons industriels et répétitifs. Le résultat était aussi indigeste que les pains-mexicanos du stand d'à côté.

Pulp. Pour leur retour, la bande à Jarvis Cocker avait misé sur la forme, davantage que sur le fond. Le même Jarvis parlait sans cesse, et quand le groupe jouait, c'était sans grand rythme, et beaucoup trop propre.

Vitalic. Annoncé comme un des live du week-end, le Dijonnais n'a montré qu'une prestation bien flasque, peu aidé il est vrai par une acoustique beaucoup trop sourde.

The Drums. L'exemple type du groupe dont les concerts peinent à atteindre le niveau des albums studio. Guère plus que guillerette, leur prestation ne volait guère haut. Quant au chanteur, il en fait cent fois trop. Moins de chichis et plus de pêche, ce ne serait pas trop demander.


Parmi les autres concerts qui ont égayé ce week-end dourien, citons Arsenal, Boys Noize, Tahiti80, Mogwai, Les Petits Pilous, Yew, Suede, Suarez, Metronomy, Hercules & Love Affair. D'autres comme The Do, Yussuf Jerusalem, Saul Williams et Aaron, m'auront laissé perplexe.

What's next ? Après 4 jours aussi épuisants que réjouissants, un peu de repos m'attend ce week-end, aux Francofolies de Spa. Car croyez-en mon expérience, passer de Dour aux "francos", c'est comme revenir de Koh Lanta et participer à Motus.



Dour Festival 2011
+: Affiche, ambiance
-: accès, hygiène, nourriture, temps pourri (contre lequel, à leur décharge, les organisateurs ne pouvaient rien faire).

mardi 12 juillet 2011

Les Ardentes, mieux que sur papier




C'est en son cœur que Liège, cité ardente, accueille le festival du même nom depuis six éditions déjà. Cet événement urbain est également identitaire, puisqu'on y retrouve ce typique et incomparable esprit de fête qui fait la réputation de la cité aux cent clochers.


Et ça, les organisateurs l'ont bien compris. S'ils essayent encore, dans une mesure tout à fait relative, de programmer quelques vrais artistes mélomanes, ils remplissent l'affiche de noms avant tout ronflants. C'est ce que réclame le public local, en majeure partie composé de jeunes autochtones. Cette année, les scènes de Coronmeuse accueillaient ainsi les dernières tendances belges (Selah Sue, mais surtout Stromae), ainsi qu'une série de noms ancrés dans la mémoire collective (Limp Biskit, Sum 41, Snoop Dogg), dont l'actualité vierge n'a pas repoussé les festivaliers bouillonnants.


Comme pour démontrer cette affirmation par l'absurde, les mêmes scènes peinent à attirer la foule lorsque s'y produisent des artistes au style plus pointilleux. Citons Junip, la formation de José Gonzalez, musicien à la sensibilité exceptionnelle. Florent Marchet, le dandy de Bourges et sa pop folk franco-pétillante. Ou carrément The Human League, les pionniers de la synthpop anglaise, dont chaque prestation rappelle le manque d'originalité de nombreuses formations contemporaines. Pour ceux-là, le public des Ardentes préfère en général se presser au bar, ou devant le "Joe Pilar Saloon", sorte d'estaminet en pain d'épices, où entre chaque concert, un DJ fait péter des hymnes au tuning, sur lesquels se trémoussent des hôtesses sélectionnées sur base de leur fessier aguicheur. C'est ça, les Ardentes, une fête de la musique version Taratata, c'est-à-dire où la vraie musique ne tient qu'un rôle secondaire. A Liège, c'est la fête qui compte avant tout.


Les structures du festival peuvent également souffrir de sa qualité urbaine. Rapidement saturé, le parking est confié à de jeunes étudiants, ou bénévoles (ou les deux à la fois), qui laissent souvent les festivaliers motorisés se parquer n'importe où, n'importe comment. Et qui aux heures supplémentaires, préféreront laisser l'endroit sans surveillance, laissant vos pneus et vos carreaux à la merci du premier sauvageon venu (je n'invente rien, c'est mon expérience qui parle).


Parlant de structures, l'incendie du hall des foires l'hiver dernier a eu des bons côtés. Anciennement moite, obscur et peu accueillant, le hangar HF6 fut transformé en chapiteau géant, bien mieux aéré que par le passé, et de meilleure acoustique. Tandis que la troisième scène baptisée "aquarium" détonnait par son côté relaxant, intimiste et underground. Aux Ardentes, la diversité d'ambiance est de mise ! Et puis, comment ne pas évoquer la fameuse "route des saveurs", qui à l'heure du repas offre aux festivaliers l'embarras du choix. Exit les frites pas cuites, les hamburgers au pain sec et à la viande carbonisée, pour 5 ou 6 euro vous pouvez succomber à vos envies du moment ! Terminons cette liste d'indéniables qualités par l'entretien des coins wc. Ces rangées de cabines en plastique, dont l'aspect et l'odeur sont habituellement la terreur des festivaliers, sont nettoyées après chaque passage par un travailleur consciencieux, et surtout courageux. Du jamais vu, qu'on voudrait voir partout !


Côté musical, si l'affiche manquait globalement de profondeur, les concerts attendus furent à la hauteur des espérances. Dans un style propre et parfois kitsch, The Human League m'ont fait passer un agréable moment de détente électropop. Goose a donné un leçon de live electro à tous ces artistes arrivistes qui se contente d'allumer leur laptop au moment de monter sur scène. Kate Nash n'a pas besoin d'être sobre pour assurer une prestation bien mise en place, et à laquelle une bouteille de champagne dissimulée sous son piano a greffé une coloration étonnamment punk. Avec Sexy Sushi, c'est l'anarchie, représentée par des déguisement loufoques, des arrachages de t-shirt, des séances intensives de crowd surfing, et la décapitation en direct d'une pauvre plante verte. Enfin, je ne peux terminer sans remercier mon nouvel ami Kele, qui m'a accueilli sur scène et dans ses bras avec la jovialité qui le caractérise. En plus, son set était carrément jouissif.


S'il n'est pas le festival préféré des puristes, celui des Ardentes reste aéré, diversifié, et agréable à vivre de l'intérieur. Espérons toutefois qu'à l'avenir, les organisateurs ne glissent pas l'éclectisme à la trappe, pour accroître l'espace réservé au dancefloor pur et dur. Et à propos d'éclectisme, ma prochaine étape est un modèle du genre : dès ce jeudi, je vous attends nombreux au Dour Festival !



Les Ardentes 2011
+ : Nourriture, propreté, variété des ambiances
- : affiche globale, organisation du parking, public parfois dissipé

mardi 5 juillet 2011

Rock Werchter, what else ?



Une formule populaire prétend que "Werchter, c'est la Rolls des festivals". Cet aphorisme ne vaut réellement que pour la notion du luxe. Avec le prix de son pass 4 jours qui augmente d'année en année autant que le baril de pétrole en temps de guerre au Moyen Orient, la grosse cylindrée de Livenation n'est pas à la portée du premier portefeuille venu. Avec une certaine nostalgie, je me souviens de ma toute première édition. Sans ressources, je passais une heure chaque soir à ramasser les gobelets usagés traînant dans la plaine. C'était ça ou revendre mes pompes à l'entrée, pour m'offrir un durum à dix euro dans l'enceinte du site.


Hormis cet aspect financier, la juste métaphore automobile serait un Hummer plutôt qu'une Rolls Royce. Taille impressionnante, mais peu de flexibilité. Avec sa moyenne journalière d'une scène pour 50,000 festivaliers, le Rock Werchter ne doit sa fluidité "acceptable" qu'à une étendue des plus larges. Cette caractéristique ne s'appliquant pas aux devants de scène... A Werchter, voir Coldplay de près à 23h nécessite de gagner sa place dès midi. Si la raison l'emporte sur l'hystérie, vous devrez vous contenter de scruter le concert sur un écran géant, quelque(s) centaine(s) de mètres devant Chris Martin.


Certains disent de ce festival qu'il est le rassemblement d'une Flandre nationaliste, ce que je réfute totalement. Les manifestations sectaires sous forme de drapeaux au lion ou de slogans anti-francophones sont très dispersés, et cette année, je n'ai absolument rien vu de tel. Pour peu que vous vous adressiez à eux dans la langue de Koen Wauters, nos camarades flamands seront même très heureux de vous répondre en français.


Cette édition 2011 fut un millésime particulier. Pour la première fois depuis 3 ans, le mercure ne dépassa pas les 35 degrés. Quant aux averses, elles furent courtes et éparses. Le climat était donc idéal, sauf pendant la nuit, où la fraîcheur n'avait rien à envier à l'intérieur des boîtes frigo des festivaliers les mieux organisés (lesquels auront également prévu un bonnet et une grosse couverture, qu'ils ne vous prêteront pas, contrairement à leur pompe pour matelas).


Mais puisqu'avant tout, un festival est histoire de musique, voici le Top 5 des concerts auxquels j'ai assistés, parmi une affiche généralement moins relevée que les années précédentes. Notez que pour des raisons personnelles, je n'étais pas présent le vendredi ; ne vous insurgez donc pas de ne pas voir dans ce classement The National, White Lies, ou Kings of Leon. J'étais par contre bien présent dimanche, mais vous n'y verrez pas non plus les Black Eyed Peas *ahem*


5. The Vaccines

La nouvelle sensation du rock anglais applique ses influences à la perfection. Rien de tel qu'un concert aussi punchy pour se mettre en forme pour la journée !


4. Selah Sue

Sur laser, le style et la voix pincée de la Louvaniste me lassent au bout de quelques minutes. Mais sur scène, quel groove, quelle présence, et surtout : quel charisme pour ce petit bout de femme de 21 ans à peine. C'était la claque du week-end, bonsoir.


3. Two Door Cinema Club

Toujours aussi fringants et fougueux, ces mignons petits Irlandais méritent la première place de ce classement. Mais à force d'être au top, ils ne me surprennent plus. Deviendrais-je un ours mal léché ?


2. Fleet Foxes

Leurs harmonies folk et leurs fabuleux accords de voix ont soufflé un vent de magie sous la pyramide Marquee. Et le look aux cheveux soigneusement coupés, ça ne leur va pas si mal.


1. James Blake

Le nouveau prince de l'electronica, qui tel Mac Gyver, créé tout un monde à partir de rien. Un batteur, un sampleur, et ses deux claviers, ont suffit à plonger la marquee dans son univers frissonnant. La tâche était difficile, avec le brouhaha ambiant, et les Queens of the Stone Age qui se surpassaient sur la grande scène. Mission accomplie avec brio ; le festival aura rarement connu un concert aussi intimiste.


Bien sûr, toute pelouse a ses lombrics. J'aurais ainsi souhaité que Portishead ne soit pas programmé sur la main stage, qui n'était pas du tout contextuelle pour un style d'une si grande profondeur. J'attendais également davantage d'ouverture des Tame Impala, qui malgré une bonne prestation, m'ont semblé quelque peu absents... Et puis j'ai mal compris l'enthousiasme provoqué par Robyn, qui se la jouait sous-Madonna sur des compos dignes des Confetti's... Enfin, je retiendrai les délicieuses découvertes que furent Warpaint, et Jenny & Johnny.


Le week-end ne fut pas de tout repos, mais je tâcherai de reprendre des forces avant ma prochaine étape : les Ardentes liégeoises ! J'espère vous y croiser nombreux !


Rock Werchter 2011
+ : Affiche de la scène secondaire, camping
- : le prix, les Black Eyed Peas