samedi 20 août 2011

Pukkelpop 2011, mon témoignage.



Que puis-je ajouter à tout ce qui a déjà été dit ?


Je voue une intense passion pour les festivals. D'abord pour le côté mélomane, le fait de découvrir en chair et en os des artistes découverts sur CD, et d'autres inconnus, mais auxquels on ne tardera pas à s'intéresser. Ensuite, l'ambiance d'un bon festival est incomparable. C'est un petit éden terrestre, créé pour l'occasion, loin de la monotonie quotidienne. On y fait des rencontres spontanées, on y vit des anecdotes qu'on s'empresse de raconter à notre retour. Les conditions ne sont pas toujours optimales, entre l'hygiène minimale, la pluie qui s'en mêle, et les nuits parfois inconfortables. Cela fait partie de l'univers festivalier, et on s'en accommode fort bien.


Mais jamais je n'aurais imaginé vivre un truc pareil.

Jeudi midi. Après un mercredi soir arrosé, je m'étais réveillé avec ce petit quelque chose dans le crâne et le bas du ventre, de ceux qui nous font regretter l'abus de canettes, et le manque de condition physique. Le soleil imposait sa présence sur le site, et tapait sur mes tempes. Après avoir tant pesté contre le mauvais climat de cet été, je n'allais pas me plaindre.


Un Dafalgan et un Immodium plus tard, nous étions en route vers le site. Il devait être aux alentours de 13heures. Mathieu m'a proposé d'aller voir Trophy Wife, sous la scène du château. Sous le toit sombre de ce chapiteau, l'air était chaud et moite, mais au moins étions-nous à l'abri du soleil. Et le concert fut très agréable. Ensuite, nous avons vu tour à tour Noah and the Whale sous la Marquee, Yelle sous la Dance Hall et The Wombats, à nouveau sous la Marquee. Le Pukkelpop est un festival où les concerts s'enchainent, il ne faut pas rechigner à marcher quelques kilomètres sur la journée.


A peine terminé l'excellent concert de The Naked and Famous, sous la scène du Club, débutait la prestation de Skunk Anansie, sur la Main Stage, juste en face. Les crachements de guitare et la puissante voix de la chanteuse Skin résonnaient dans toute la plaine, alors qu'au dessus de nos têtes, le soleil se parait d'un collier de nuages grisâtres, pour la première fois de la journée. Quelques gouttes tombèrent durant le concert, mais vraiment pas de quoi effrayer un chat. Etant courts vêtus, nous voulions tout de même rentrer au camping, et nous changer avant la soirée.


Peu avant 18heures, le ciel s'assombrit quelque peu. Mais sur scène, le groupe se déchainait. A son habitude, Skin se faisait porter par le public, entonnant le refrain de Weak. Vint ensuite Hedonism, un petit bijou. D'abord partants pour le camping, nous avons finalement convenu de retourner nous abriter sous le Club, une fois la chanson terminée. Sur le trajet entre les deux scènes, le vent s'est soulevé, et petit à petit, la pluie a envahi le site. Nous croisions des festivaliers ayant sorti leur poncho, d'autres s'abritant sous une porte de cabine WC, dévissée pour l’occasion. Et se dirigeant vers la main stage, où le concert n'était pas terminé. Personne et pas même nous n'imaginions ce qui était sur le point de se produire.


Les rafales ont débuté lorsque nous nous sommes abrités sous le Club. La foule sur les bords du chapiteau était dense, nous nous sommes donc engouffrés vers le fond, près de la scène, où une ouverture dans la toiture me permettrait de voir ce qui se passait dehors. La tempête s’est formée très vite. La bâche servant de toiture ondulait sous les courants d’eau qui se formaient en son sommet. Les pylônes servant à soutenir l’infrastructure en son centre tremblaient de plus en plus fort. Des vagues de cris nous parvenaient d’un peu partout, et dehors, je ne voyais déjà plus rien, sinon les violentes bourrasques qui déchiraient le ciel. Les barrières Nadar soutenant le coté du chapiteau se mirent à danser, et certains festivaliers les agrippèrent de toutes leurs forces pour qu’elles ne tombent pas. A cet instant, j’ai compris que nous avions affaire à quelque chose d’inhabituel. Des jets de pluie me fouettèrent le visage, il y eut quelques mouvements de panique vers l’extérieur, alors que d’autres personnes se réfugièrent sur la scène. Miles Kane, l’artiste devant alors se produire au Club, fit son apparition et tenta de calmer la foule. Et au dessus de ma tête, l’eau accumulée exerçait une épouvantable pression sur la bâche. Je me suis senti terriblement impuissant. Aucun réflexe de survie ne me vint à l’esprit, et pour cause, il n’y avait rien à faire. Juste attendre que ça se termine, et prier pour que l’infrastructure tienne le choc.


Après une dizaine de minutes, l’orage sembla se calmer. Mais l’eau continuait à peser sur la bâche, et à dévaler par cascades sur les côtés. Des membres du service de sécurité sont apparus sur la scène, et par de véhéments mouvements de bras, ont incité le public à sortir de là au plus vite. Alors que certains hésitaient encore, nous nous sommes dirigés dehors, et nous avons mis les pieds dans un véritable marécage. Il ne pleuvait plus, le ciel avait regagné son calme, mais pas une seule parcelle de la plaine n’était inondée. Nous dirigeant calmement vers l’entrée du site, nous croisions des festivaliers encore très peu paniqués. Nous étions nous-mêmes dans un état relativement calme, croyant qu’il ne s’agirait que d’une sacrée anecdote à raconter. Mais en regardant autour de nous, l’importance de la catastrophe nous apparut de plus en plus clairement. Des arbres arrachés, abattus sur certains stands, des pylônes écroulés sur le sol, des branches éparpillées sur toute la plaine, des flaques de boue formant de véritables étangs. Un désordre que je n’aurais jamais envisagé. Mais c’est en voyant que la scène du Château, là où nous étions encore en début d’après-midi, s’était tout simplement écroulée, que j’acquis la conviction qu’il y avait des victimes. Et que le festival était terminé.


Je pris conscience qu’il était 19h et que les journaux télévisés n’allaient pas tarder à relayer l’information. J’ai tenté de contacter ma famille, pour les rassurer. En vain car le réseau était déjà saturé. En temps normal, les sms ont déjà beaucoup de mal à passer, alors dans de telles conditions… Ayant la certitude que le festival ne s’en relèverait pas, nous avons emboité le pas de la foule vers le camping. Là, l’état du sol était encore bien pire. De véritables ruisseaux s’étaient formés dans les allées, nous avions de l’eau jusqu’aux chevilles. Beaucoup de tentes étaient inondées, certaines s’étaient même envolées. Par chance, la mienne avait résisté, mais celle de Mathieu était sous eau. Il nous a fallu trois heures, et deux allers-retours vers le parking, pour remballer nos affaires. Dans le camping, beaucoup de festivaliers insouciants continuaient à afficher un air de fête. Une fois passée la mélasse du camping, la route nous apparut comme un long chemin de chaos. Les ambulances défilaient à toute vitesse, entre les festivaliers chargés jusqu’aux épaules, dont beaucoup tentaient de joindre leurs proches, le téléphone à l’oreille. Des parents aux abois parcouraient l’avenue à la recherche de leurs enfants, et les policiers tentaient tant bien que mal de préserver un semblant d’ordre sur la chaussée. Les nouvelles se propageaient de bouche à oreille, mais étaient très confuses. On ne savait encore rien du nombre de victimes, si ce n’était la certitude qu’il y avait des défunts. De temps à autre, le réseau téléphonique revenait. Je parvins ainsi à prévenir ma petite amie et mes parents que j’étais en bonne santé, et je reçus quelques sms d’amis, venant aux nouvelles. Il était 23h lorsque toutes mes affaires furent chargées dans la voiture. Je me préparai alors à quitter cet endroit de désolation.


Deux jours ont passé, mais le choc reste présent. Je m’en sors indemne, mais la peur rétrospective me gagne, sachant que je ne dois mon salut qu’au hasard. J’aurais très bien pu, comme d’autres infortunés, me trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Je pense très fort aux victimes, et à leurs familles, qu’aucune parole ne peut réellement soulager. Je suis convaincu que les organisateurs n’ont rien à se reprocher. Une telle apocalypse, à cet endroit, était imprévisible, et aussi solides soient les infrastructures, le risque zéro n’existe pas. J’aime les festivals pour ce qu’ils sont, et pour ce qu’ils doivent rester. Je retournerai sans doute au Pukkelpop, puisse-t-il y avoir de prochaines éditions, mais je ne pourrai m’empêcher de penser à cette édition 2011. Ce qui s’y est produit, et ce à quoi j’ai échappé, resteront dans ma mémoire.






2 commentaires:

  1. J'ai le même parcours au pille op. que toi. Moi, je me suis réfugiée sous la scène de Miles Kane. C'est parfaitement bien décrit et très sobre. Nous n'oublierons jamais cette Catastrophe et ces victimes. Cette journée s'annonçait pourtant si belle . Sandrine

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  2. moi aussi, sous le boiler room, quelle journée, je porte à présent ce festival dans mon coeur, et je compte bien qu'il y ait plein d'autres éditions, l'ambiance est particulière au Pukkelpop!

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